Psychiatrie pour enfants et adolescents, Laponie occidentale, Finlande
Contribution : Marianne Karttunen
La Laponie occidentale, dans le nord de la Finlande, a une population d’environ 62 000 habitants desservis, pour ce qui concerne la santé mentale, par un hôpital psychiatrique de 22 lits et six équipes psychiatriques communautaires. Environ un tiers du personnel psychiatrique (150 personnes) est en poste à l'hôpital et la moitié en soins de proximité, mais une grande partie du personnel hospitalier travaille également en ambulatoire. Dans les petites municipalités de la région, il existe également des équipes locales de santé mentale qui collaborent au travail d'équipe autour des patients et de leurs familles.
Depuis de nombreuses années, nous utilisons l’approche des soins dite Open Dialogue (dialogue ouvert), approche dans laquelle les clients et leurs familles sont considérés comme des participants actifs à la planification et à l’application du traitement, plutôt que comme des sujets passifs.
Les objectifs de cette approche étaient de développer un modèle de traitement psychiatrique complet, centré sur la famille et son réseau social, à la frontière entre les systèmes de soins ambulatoires et hospitaliers. Le but est de répondre rapidement aux crises, tout en faisant confiance aux ressources de la famille et des autres membres du réseau proche et en les soutenant. Dès le début du traitement, on veille à écouter attentivement les préoccupations et les espoirs des personnes concernées par le traitement afin d’engager une interaction basée sur le dialogue. Les services pour enfants et adolescents ne disposent d'aucun lit d'hôpital dans notre région, de sorte que le traitement et les soins sont offerts dans l'environnement familier des jeunes patients ; si une hospitalisation s’avère nécessaire, nous travaillons avec l'hôpital universitaire d'Oulu et avec les services pour la jeunesse de Rovaniemi.
L'idée centrale de nos services psychiatriques est basée sur une collaboration. Nous nous efforçons activement de créer et de maintenir le dialogue avec nos partenaires au sein de la communauté, notamment les services sociaux, les écoles, les animateurs, les congrégations, le service hospitalier pour les enfants physiquement malades, la police, les services pour adolescents et l'hôpital universitaire d'Oulu.
Notre système de soins exige une action égale de la part de tous les intervenants, indépendamment de leur rôle professionnel. À cette fin, nous avons créé un programme de formation triennal destiné à tous les professionnels qui a permis, au cours des trente dernières années, de renforcer l'identité professionnelle des infirmières et de créer en leur sein une culture spécifique.
Les infirmières sont des agents indépendants à notre service, chargés d’évaluer et de prendre une part active à la conduite des soins. Elles appliquent leurs compétences infirmières, thérapeutiques et de dialogue lorsqu'elles travaillent les unes avec les autres, ainsi qu'avec les clients et leurs réseaux.
Faute de lits d'hôpital pour enfants et adolescents en psychiatrie, les infirmières ont une grande responsabilité dans l'évaluation de l'urgence et de la nécessité du traitement au premier contact. Elles doivent connaître les réseaux locaux et les ressources disponibles pour un travail en collaboration.
Nous utilisons les éléments de la pensée systémique, par laquelle nous considérons les situations de crise comme autant d’occasions pour résoudre des situations de vie problématiques d'une manière qui soit significative pour les clients/patients.
Notre service est basé sur sept principes :
- Une aide immédiate : Il n'est pas nécessaire d'être orienté pour accéder à notre traitement et toute personne ou tout réseau peut contacter le service, généralement par téléphone. La nécessité d'un traitement est décidée lors d'un entretien commun, les infirmières organisant l'équipe de traitement et le processus dès le premier contact. L'équipe est principalement composée d'infirmières et l'évaluation ou le diagnostic médical n'est pas considéré comme l'objectif principal de la réunion ; au contraire, l'équipe écoute les différentes préoccupations et perspectives, et y répond.
- Orientation vers la famille et le réseau : La famille et les autres membres du réseau social proche sont considérés comme une ressource clef pour comprendre et soutenir les individus en situation de crise. Le travail avec les familles et leurs réseaux nécessite des orientations et des compétences différentes de celles de la relation infirmière-patient individuelle relation qui est souvent mise en avant dans la psychiatrie et les soins infirmiers traditionnels. C'est pourquoi nous avons proposé à l'ensemble du personnel une formation de trois ans axée sur le dialogue avec les familles et avec les réseaux.
- Responsabilité : SLe partage des responsabilités signifie que tous les membres de l'équipe prennent en considération plusieurs aspects importants au cours du processus, notamment : la sécurité des différentes décisions de traitement, les préoccupations relatives au suicide, la sécurité des séances, afin que chacun puisse exprimer sa propre opinion, même si elle s’oppose à celle des autres, et l’exigence que chaque question posée trouve une réponse. La confiance nécessaire entre les membres de l'équipe est renforcée par la collaboration, la supervision de l'équipe et les réunions hebdomadaires où les questions concernant la collaboration sont ouvertement discutées.
- Flexibilité : Chaque client et chaque famille a besoin de l'approche la plus appropriée et la mieux adaptée à son traitement. Au début, les rendez-vous peuvent être quotidiens et les rendez-vous ultérieurs et les personnes devant y assister sont convenus et programmés à chaque rendez-vous. Cette approche adaptée aux besoins exige de l'équipe qu'elle fasse preuve de souplesse et en de nombreuses occasions, les membres de l'équipe doivent modifier leurs horaires pour permettre un travail intensif en situation de crise.
- Continuité : Le traitement pouvant s’étendre sur plusieurs années, l'équipe responsable crée une relation thérapeutique avec le client et les membres du réseau concernés et prend en charge le processus de soins et favorise le suivi psychologique. Si le client doit être hospitalisé temporairement, l'équipe ambulatoire reste responsable du traitement, même si elle est momentanément complétée par du personnel hospitalier.
- Tolérance de l'incertitude : Les situations de crise suscitent facilement l'anxiété des membres des équipes soignantes et de la famille. Dans ces conditions, les soignants peuvent être amenés, face à une situation difficile, à proposer rapidement des solutions, à assumer la responsabilité de la situation et à ignorer la capacité d’action du client et de son réseau, ainsi que leurs compétences. Au contraire, nous considérons la famille et les autres proches dans le réseau comme des ressources clefs potentielles de compréhension et de soutien pour les individus dans la vie quotidienne. En les écoutant attentivement et en confrontant les points de vue, on peut trouver des solutions qui soutiennent les propres capacités d'action des membres du réseau dans les situations de crise. Les décisions concernant les médicaments de longue durée ne sont prises qu'après plusieurs conversations sur leurs avantages et inconvénients.
- Dialogue : Le but principal du traitement est de nouer un dialogue entre les participants et leurs différentes voix internes. Dans les réunions, un espace interactif partagé est créé où la possibilité de changement évolue tout au long d’un échange d'énoncés et de réponses. Il est important que les membres de l'équipe écoutent attentivement les différents mots et expressions lors d'une réunion de réseau et qu’ils sachent répondre aux émotions exprimées. Les mots utilisés doivent être adaptés à ceux des autres membres du réseau, les termes médicaux ou psychologiques doivent être évités.
Le système de soins en Laponie occidentale est unique en ce sens qu'il fournit une aide aux personnes dont le seuil est le plus bas possible et que le service est géré cliniquement principalement par des infirmières. Dans le meilleur des cas, la prise de médicaments psychiatriques à long terme n’est pas nécessaire comme le fait la psychiatrie traditionnelle, ce qui peut conduire à de meilleurs résultats en matière de rétablissement et de renforcement de l'autonomie des individus et des familles.