Le Conseil International des Infirmières (CII) a publié une lettre ouverte à Steve Barclay, Ministre britannique de la santé et des soins sociaux, exposant les raisons sanitaires et économiques d'investir dans la rémunération du personnel infirmier. Le Royal College of Nurses (RCN), association membre du CII au Royaume-Uni, envisage – pour la première fois de son histoire – une action revendicative suite au refus du Ministre britannique d’évoquer la question des salaires.
Le RCN a écrit à Rishi Sunak, Premier ministre britannique, l’appelant à protéger les personnels infirmiers afin de protéger les usagers. Le CII a déjà attiré l’attention des pouvoirs publics sur l’incidence de la pénurie croissante d’infirmières et, suite à la publication du rapport 2022 du CII, Pérenniser et fidéliser les effectifs en 2022, Howard Catton, le Directeur général du CII, a déclaré : « Nous ne pouvons plus nous permettre de sous-évaluer et de sous-financer la profession infirmière, que ce soit pour la santé des infirmières, comme pour la protection et la pérennité de l’ensemble de notre système de santé mondial. »
En juin 2022, le CII a rendu compte des grèves à travers le monde, déclarant que « l’augmentation alarmante du nombre d’infirmières faisant grève à travers le monde renvoie directement à l’incapacité des gouvernements à s’attaquer aux causes profondes de la fragilité, de l’affaiblissement grave et, dans certains cas, de l’effondrement de nos systèmes de santé. » Cliquez ici pour consulter la prise de position du CII sur l’action revendicative.
Dans la lettre ouverte du CII à M. Barclay, il est écrit :
La pandémie de COVID-19 nous a appris que nous devons mieux nous préparer pour les futures pandémies. Elle nous a éloigné de la couverture sanitaire universelle. Nous savons également que des problèmes se posent concernant les maladies non transmissibles, le vieillissement de la population et la résistance aux agents antimicrobiens. Pour toutes ces raisons, le CII et l’OMS ont été très clairs sur la nécessité d’investir dans les personnels infirmiers.
Le CII a œuvré en collaboration avec l’OMS pour élaborer les actuelles Orientations stratégiques mondiales pour les soins infirmiers et obstétricaux 2021-2025, adoptées en 2021 par l’Assemblée mondiale de la Santé. Le message prioritaire de ce rapport est la nécessité d’investir dans le leadership, la formation, l’emploi et la prestation des services infirmiers.
Cela fait plusieurs années que CII s’inquiète de la sous-évaluation de longue date des rôles infirmiers en termes de rémunération, car elle ne reflète pas la complexité et les exigences de la pratique infirmière moderne. Les infirmières d’aujourd’hui font des études supérieures. Elles règlent les problèmes, ce sont des dirigeantes et des scientifiques. Les infirmières sont aux avant-postes des innovations visant à améliorer l’accès aux soins et à créer de nouveaux modèles de soins. Leur profession est capitale pour la sécurité et des décennies de données probantes irréfutables montrent que le fait de disposer d’un nombre suffisant d’infirmières expérimentées et formées permet d’obtenir de meilleurs résultats pour les patients, de réduire la durée des hospitalisations, les taux de réadmission et, surtout, de réduire les taux de mortalité. Les infirmières sont en grande partie la solution pour relever les nouveaux défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui.
Nous constatons avec une vive préoccupation que la sous-évaluation de la profession infirmière en termes économiques s’explique par le fait que la majorité des infirmières sont des femmes. Aussi, en investissant dans les soins infirmiers, nous renforçons non seulement les systèmes de santé, mais nous traitons également la question de l’égalité et de l’équité des sexes.
Il est tout à fait certain que la rémunération est un facteur absolument essentiel du recrutement et de la fidélisation des infirmières. Les travaux du CII ont montré que, durant le fléchissement de l’économie mondiale, les salaires des infirmières à travers le monde ont stagné et, aujourd’hui, alors que nous sortons de la pandémie, mais que nous sommes confrontés à la guerre en Ukraine et à des économies en difficulté, les salaires des infirmières baissent de nouveau en termes réels. Il s’agit d’une tendance historique à la baisse des salaires, qui non seulement rend la profession infirmière peu attrayante pour les personnes en début de carrière, mais qui fait également augmenter les taux d’abandon et des taux de vacance de poste partout dans le monde ; les personnes quittent la profession prématurément et cela qui pose le problème de la fidélisation. Augmenter les salaires contribuera à régler les problèmes de recrutement et de fidélisation, mais aussi à réduire la dépendance de l’Angleterre vis-à-vis des infirmières recrutées à l’étranger, car le risque est d’affaiblir des systèmes de santé déjà fragiles et de creuser les inégalités au niveau mondial.
Nous entendons les gouvernements déclarer qu’ils n’ont pas les moyens d’investir dans les soins infirmiers, mais le CII n’a cessé de répondre que le monde ne peut pas se permettre de ne pas investir dans les soins infirmiers. Pourquoi ? Parce que les infirmières sont la clé de voûte du renforcement des systèmes de santé, du maintien des personnes en bon état de santé et de la productivité de la population en âge de travailler. Il ne peut y avoir de sécurité sanitaire sans infirmières. La croissance économique passe par des investissements dans la santé.
Le rapport de la Commission de haut niveau des Nations Unies sur l’emploi dans le secteur de la santé et la croissance économique, a montré que de nouveaux investissements dans le personnel de santé mondial permettront de créer des emplois et de stimuler la croissance économique. Il indique que « les investissements dans le système de santé ont également des effets multiplicateurs renforçant la croissance économique à caractère inclusif, notamment en créant des emplois décents. »
Dans un récent article du Forum économique mondial, Hans Kluge, le Directeur du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, et le professeur Mario Monti, Président de la Commission paneuropéenne sur la santé et le développement durable, ont déclaré : « Les trois dernières années nous ont enseigné une leçon fondamentale. Si nous n’investissons pas dans la préparation de nos systèmes de santé à des chocs inattendus, dans le cas présent une pandémie, mais aussi des crises financières ou des catastrophes naturelles, nous paierons plus cher à long terme » et « Sachant que les soins de santé réclameront toujours de nombreux effectifs, et même si nous pouvons exploiter les nouvelles technologies, nous devons investir dans les personnels de santé, en prenant des mesures attirant et fidélisant ces travailleurs essentiels. »
La politique du CII est de soutenir les grèves des infirmières à travers le monde. Nous estimons que c’est un dernier recours, mais c’est un droit. Néanmoins, nous encourageons également – de la manière la plus ferme qu’il soit – toutes les parties à se réunir pour mener des négociations constructives sur les salaires et les conditions de travail et ainsi trouver une solution. Lorsque vous investissez dans le secteur des soins infirmiers, vous investissez dans la sécurité sanitaire et la prospérité économique de la population du Royaume-Uni.
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