Collaboratrice: Winnie Shena, Kenya
Le Kenya figure parmi les quatre pays d’Afrique subsaharienne où le VIH est le plus répandu. On estime que 1,6 million de personnes vivent avec le VIH, la faible couverture de traitement antirétroviral aggravant la situation. On évalue le lourd fardeau du VIH et du sida au Kenya à environ 29 % des décès annuels d’adultes, 20 % de la mortalité maternelle et 15 % de la mortalité des enfants de moins de cinq ans. L’épidémie a également des répercussions négatives sur l’économie, réduisant la production par habitant de 4,1 %. 64 % des adultes et 65 % des enfants sont sous traitement antirétroviral.
Comme la plupart des pays, le Kenya connaît une pénurie d’agents de santé, on doit donc innover avec le personnel à disposition pour garantir que les services de lutte contre le VIH, indispensables, fonctionnent correctement. Les infirmières et les sages-femmes sont les agents de santé de première ligne les plus accessibles aux populations vulnérables et disposent de la capacité d’adaptation requise pour dispenser des services intégrés aux usagers.
Ce projet a été mis en place dans les comtés de Homa Bay et de Nairobi pour renforcer les compétences des infirmières et des sages-femmes et dispenser des soins et des traitements contre le VIH aux enfants et aux adolescents. Les services de prise en charge du VIH assurés par les infirmières et les sages-femmes comprennent : des conseils pour le dépistage du VIH dans toutes les cohortes ; la mise en place d’un protocole de traitement ; des services de soins aigus aux patients admis requérant des soins infirmiers plus soutenus ; un service de soutien psychosocial aux tuteurs d’enfants orphelins, aux couples sérodiscordants, aux adolescents séropositifs et à leurs familles ; le recensement des enfants non vaccinés ; des visites à domicile ; la mobilisation de la collectivité ; la prévention de la stigmatisation ; et la promotion globale de modes de vie sains et de pratiques sexuelles protégées.
En 2016 et en 2017, deux établissements ont été sélectionnés dans les comtés de Homa Bay et de Nairobi en raison de la charge élevée du VIH. Le comté de Homa Bay a une prévalence du VIH quatre fois et demie plus élevée que la moyenne nationale, soit 26 %. 22 % des personnes vivant avec le VIH ont entre 15 et 24 ans et 6 % ont moins de 15 ans. Le comté de Nairobi a une prévalence du VIH comparable à la moyenne nationale : 14 % des personnes vivant avec le VIH sont des jeunes et 5 % sont des enfants de moins de 15 ans.
Les infirmières ont suivi un programme de mentorat clinique de 18 semaines reposant sur un programme de formation modulaire sur le VIH fixé à l’échelon national, comprenant des connaissances théoriques, des sessions interactives sur le terrain avec un mentor, un stage clinique et des examens modulaires. Les données ont été analysées à l’aide de statistiques descriptives et inférentielles pour évaluer le niveau d’assurance et de compétence personnelles après l’intervention.
L’assurance globale des infirmières a nettement augmentée, passant de 60,6 % au départ à 97,3 %. Le niveau compétence personnelle est passé de 31,2 % à 82 %. La connaissance sur le VIH est passée de 66,1 % à 83,5 %.
Le projet a également permis de réduire la morbidité et la mortalité liées au VIH et au sida et la fréquence des admissions à l’hôpital dues aux infections opportunistes. Les conseils dispensés et la mobilisation de la collectivité ont réduit la stigmatisation et permis à un plus grand nombre de personnes de révéler leur séropositivité au(x) partenaire(s) et à la famille. Le mentorat clinique fort d’une relation suivie et d’un large transfert de compétences constitue une intervention essentielle pouvant largement combler le déficit de connaissances et de pratique, tout en augmentant l’assurance et la compétence des infirmières en vue de dispenser des soins de qualité concernant le VIH. En ancrant le mentorat dans un système de santé en tant que stratégie d’amélioration de la qualité, il peut catalyser le processus d’amélioration et renforcer la pratique clinique. Le mentorat sur le terrain donne au formateur l’occasion d’appréhender les défis propres à l’environnement de la personne qu’il forme et d’œuvrer à une solution concrète permettant d’assurer la qualité des soins.
Le mentorat en groupe – permettant de former plusieurs personnes en même temps – permet à la personne formée de comprendre son rôle au sein d’une équipe multidisciplinaire, montrant clairement la contribution de chaque membre de l’équipe à la réussite globale de la qualité des soins dispensés à la personne, aux familles et aux collectivités.
L’auteure remercie les organisations suivantes pour leur contribution : CDC Kenya, PEPFAR, Nursing Council of Kenya, National Nurses Association Kenya et Jomo Kenyatta University of Agriculture and Technology (JKUAT).