Collaboratrice : Karin Lee Ovadia, Sage-femme en chef, salles d’accouchement, Shamir Medical Center
À l’occasion de la Journée internationale de la santé et des droits maternels, le 11 avril, le CII vous présente un témoignage de première ligne des soins maternels en Israël durant la pandémie de COVID-19.
Lorsque la COVID-19 a fait son apparition dans les salles d’accouchement du Shamir Medical Centre, Karin Lee Ovadia et ses collègues travaillaient dans un service classique de gynécologie obstétrique d’un hôpital de 891 lits situé dans le centre du pays, qui profite à 1,5 million d’habitants de confessions musulmane, chrétienne et juive, croyants ou non, et met au monde environ 9 000 bébés par an. L’établissement considère que les patients ont le droit de décider pour eux-mêmes et leur famille et que le rôle du personnel est de les soutenir.
Quand l’unité prenant en charge la COVID-19 a été mise en place et que la salle des urgences s’est retrouvée bondée, le personnel s’est vite rendu compte que quelque chose avait changé dans le monde. Néanmoins, il avait très tôt été décidé que toutes les femmes enceintes continueraient de bénéficier des meilleurs soins et de la meilleure expérience possibles.
Pour ce faire, des changements importants ont été faits dans l’aménagement et l’organisation du service. Regina, la responsable des soins infirmiers, et toutes les infirmières en chef du service, se sont réunies pour étudier les options et commencer à déplacer les équipements, redéployer le personnel et les patients en vue de créer un service complètement nouveau, sans personnel supplémentaire et sans nouveau bâtiment.
Les salles d’admission du service gynécologique – deux pièces comprenant une petite antichambre mitoyenne des salles d’accouchement – sont devenues les salles d’admission des patientes des services obstétricaux et gynécologiques atteintes de COVID-19. Des filtres HEPA mobiles ont été installés et les salles ont été équipées pour permettre l’accouchement, l’anesthésie péridurale, les examens gynécologiques et même l’accouchement par ventouse, le cas échéant.
Dans les salles d’accouchement, chaque sage-femme a sous sa responsabilité trois chambres d’accouchement, avec autant de femmes en plein travail. La sage-femme passe d’une salle à l’autre pour dispenser les soins requis. Néanmoins, lorsqu’une patiente est admise dans la salle d’admission COVID-19 et qu’une sage-femme la prend en charge, cette dernière est alors « mobilisée » durant deux à trois heures et ne peut plus changer de salle pour s’occuper des autres femmes en cours de travail. La sage-femme en chef et d’autres collègues de l’équipe la remplacent jusqu’à ce qu’une autre sage-femme soit en mesure de prendre le relais dans la salle COVID-19. Elle peut alors, en sueur, enlever ses affaires, prendre une douche et poursuivre son travail avec ses patientes.
C’est dans cette salle COVID-19 qu’E.D. a été admise. Âgée de 40 ans et mère de six garçons, elle en était à la 36ème semaine d’une grossesse gémellaire spontanée. E.D. a été amenée à l’hôpital en ambulance car elle avait de la fièvre et des difficultés respiratoires. Lorsqu’elle a été admise dans la salle COVID-19, elle était en tachypnée et dans la première phase du travail, dilatée de quatre centimètres avec les deux jumeaux en présentation céphalique. Après avoir procédé en urgence à un test de dépistage de la COVID-19, la sage-femme a immédiatement commencé la préparation en vue d’une péridurale, conformément à sa demande, alors qu’elle masquée et sous oxygène. Les résultats du dépistage ont été sans surprise : elle était positive à la COVID-19. C’est allé vite, son mari était à ses côtés. Elle a accouché spontanément d’une fille, pesant 2 775 grammes, puis d’un garçon pesant 3 455 grammes, deux minutes plus tard. La salle s’est remplie d’émoi, de rires et de larmes, sous les masques N95, les lunettes de protection et les combinaisons, E.D. sous un masque à oxygène et son mari portant un masque chirurgical. Tout le monde a célébré les naissances. À l’extérieur, dans les salles d’accouchement, le personnel a applaudi lorsque l’infirmière de l’unité néonatale de soins intensifs leur a annoncé la nouvelle par le biais de la caméra de contrôle. La suite de l’accouchement s’est déroulée sans aucune difficulté.
En raison de la fièvre maternelle, les jumeaux, une fois pris dans les bras et nourris, ont été emmenés dans l’unité néonatale de soins intensifs pour un examen de la fièvre, tandis qu’E.D. et son mari se rétablissaient et se reposaient. Pendant la nuit, la jeune maman est restée sous la surveillance des sages-femmes et des médecins du service et, au matin, elle a été transférée dans l’unité COVID-19, à l’étage du dessous, rejointe par son mari puis les jumeaux, peu après.
Les infirmières et les sages-femmes du Shamir Medical Centre ont fait face à de nombreux défis et ont été poussées dans leurs derniers retranchements, alors qu’elles soutenaient ces femmes et leurs partenaires. Elles étaient en sous-effectif, dans la mesure où les sages-femmes et les assistantes tombaient malades de la COVID-19 ou étaient placées en isolement avec leurs enfants malades. Leurs collègues leur ont envoyé des colis, ont assuré leurs gardes, et les ont accueillies à leur retour au travail. Tout au long de la période, elles ont défendu leurs valeurs et celles de la profession infirmière et de sage-femme, en continuant de dispenser un service auquel chaque femme a droit, dans des circonstances changeantes et exigeantes, sans compromettre la qualité des soins et sans renfort en personnel.
Karin a déclaré : « Ce que nous dispensons va au-delà des choses quantifiables. Nous nous livrons corps et âme. Je suis fière de pouvoir dire que mon équipe s’est surpassée dans des circonstances invraisemblables. La principale leçon tirée et ce que je recommande aux gestionnaires, c’est de garder à l’esprit que par-delà nos droits en tant que professionnels, la véritable force de notre profession réside en son cœur, c’est une chose qui ne s’achète pas, mais qui se gagne à travers le respect, l’amour et l’exemple. »